Une belle matinée d’été, Monsieur Jean est en train de travailler. Monsieur Jean est un couturier qui coud des chaussettes bien chaudes, des manteaux et surtout des shorts avec de très grandes poches. Comme il est très fier, il ne s’habille qu’avec les vêtements qu’il coud.
« J’aime les très grandes poches, et les chaussettes bien chaudes », dit-il. Et il continue à coudre en secouant les orteils. Comme il fait chaud, et que Monsieur Jean porte des chaussettes chaudes, il décide d’ouvrir la fenêtre. Attirées par l’odeur des orteils chauds, une dizaine de mouches entrent dans la maison. Elles tournent autour de Monsieur Jean, elles tournent autour de son short avec de très grandes poches et viennent se poser sur les orteils du couturier.
« Ce n’est pas possible ! Je ne peux pas me concentrer sur mon travail. » Il saisit un torchon sur la table, écarte bien ses orteils et « Paf ! »
Il compte les mouches mortes sur le sol.
« Sept d’un coup ! Saperlipopette ! Je suis incroyable ! Je suis très fort ! Je suis un héros ! Pourquoi est-ce que je reste là à coudre des chaussettes ? Je dois combattre des géants, rencontrer des créatures mythiques et épouser une princesse. » Monsieur Jean commence à coudre son costume de héros : une ceinture avec un grand sept pour célébrer son exploit, une grande cape, et un magnifique short avec des poches énormes. Et il part à l’aventure en direction de la capitale du royaume.
Sur le chemin, Monsieur Jean traverse un petit village. Les habitants sont tous très tristes, mais quand ils voient le couturier arriver, ils reprennent espoir.
« C’est un héros, c’est sûr, il a une cape et un short avec de grandes poches. Et regardez sa ceinture, il peut tuer sept hommes d’un seul coup ! » Le chef du village va saluer le nouvel arrivant.
« Monsieur le héros, des géants attaquent le village toutes les semaines. Ils nous volent tout notre pain et tous nos œufs. Nous sommes si désespérés que nous devons manger les semelles de chaussures.
-Des géants ? Ne vous inquiétez pas, c’est un jeu d’enfant pour moi. »
Les géants se sont installés pas très loin du village. Sept d’un coup s’avance sur le chemin et ne tarde pas à en rencontrer un. Le voleur est caché derrière un arbre, mais comme c’est un géant, sa tête dépasse par le haut, ses bras et ses jambes sur les côtés.
« Bonjour Monsieur le géant. Je suis un héros et je vais te chasser du village. » Le géant lui répond d’un air de mépris :
— Hahaha, toi ? Mais tu es tout petit ! » Monsieur Jean gonfle son ventre pour que le géant voit sa ceinture.
« Sept d’un coup ! Je peux en tuer sept d’un coup. » Le géant est un peu impressionné et hésite à l’attaquer. Il décide de lui lancer un défi : Il prend un caillou dans sa main et le presse si fort qu’il se transforme en brique de lego.
« Maintenant, dit-il, fais comme moi, si tu le peux.
— Facile ! répond le héros. » Il met sa main dans sa grande poche et sort un petit bout de fromage qui ressemble à un caillou. Il le serre fort et le transforme en brique de lego. Le géant ne comprend pas qu’un nain puisse être si fort. Il prend un autre caillou et le lance si haut que l’œil le voit à peine, en disant :
« Allons, petit homme, fais comme moi.
— Bien lancé ! dit Monsieur Jean, mais le caillou est retombé. Moi, j’en vais lancer un autre qui ne retombera pas. » Il fouille dans la grande poche de son short, et il prend un oiseau. Il le jette en l’air. L’oiseau, tellement content de sortir de la grande poche qui sent le fromage, s’envole et ne revient pas. Le géant commence à s’inquiéter, il change de tactique.
« Tu es si fort que je veux te présenter à mon clan, dit le géant, il faut que tu viennes dans notre caverne et que tu passes la nuit chez nous. » Monsieur Jean n’a jamais visité de caverne de géants. Il accepte tout de suite.
La soirée se passe bien, ils rient et mangent le pain et les œufs qui ont été volés au village. La caverne est bien plus grande que la maison du couturier et les lits sont énormes.
« C’est trop grand pour moi, pense le héros. » Pour ne pas vexer les géants, il glisse quelques pierres sous le grand drap, puis il fouille dans sa poche et sort des bouchons d’oreilles, une petite tente et un sac de couchage bien moelleux. Avant de s’installer dans le coin, juste derrière le lit. Un peu après minuit, quand Monsieur Jean est endormi, les géants se réunissent près du grand lit avec leurs grosses massues en bois.
« C’est notre chance, le héros est endormi », disent les géants. Et ils tapent de toutes leurs forces encore et encore sur le lit.
« C’est fait, il est mort, c’est sûr », et ils retournent se coucher. Le lendemain matin, Monsieur Jean sort de sa tente en sifflotant et il se dirige tout content et bien reposé en dehors de la caverne. À l’extérieur, les géants sont en train de prendre le thé. Quand ils voient le héros sortir de la caverne, même pas décoiffé, le ventre bien gonflé et la ceinture apparente, ils sont pris de terreur.
« Il est invincible ! » Et ils s’enfuient le plus vite possible. Le village est sauvé.
Quelques jours plus tard, Monsieur Jean arrive dans la capitale. La nouvelle du héros qui en a tué sept d’un coup et terrassé un groupe de géants est à la une de tous les journaux, tout le monde le regarde. Bientôt, le roi l’invite dans son château. Il a une mission à lui confier. « Monsieur le héros, une licorne à rayures terrifie le sud du royaume. Elle pourchasse les habitants et les pique avec sa corne. Je veux que vous la capturiez pour la mettre dans mon zoo privé.
– Facile, dit le couturier. » Et il part vers le sud.
Aussitôt arrivé dans la forêt du sud, Monsieur Jean entend des grognements et des bruits de corne qui pique les fesses des passants. Il arrive devant la licorne rayée. C’est un bel animal, grand et sauvage, avec un très mauvais caractère.
« Bonjour licorne, je suis un héros, je suis là pour te capturer et te mettre dans un zoo.
-Toi ? Haha, mais tu es si petit ! » Monsieur Jean gonfle son ventre pour que la licorne voit sa ceinture.
« Sept d’un coup ! Je peux en tuer sept d’un coup. Je n’ai pas peur d’un zèbre cornu. » Il n’y a pas pire insulte pour une licorne rayée que de se faire appeler zèbre cornu. Folle de rage, la bête fonce sur le héros pour l’embrocher avec sa corne. Le couturier fouille dans sa poche et sort un trampoline juste à temps pour sauter au-dessus de la licorne, qui, emportée par son élan, va se planter dans un arbre. Monsieur Jean prend une corde dans la grande poche de son short et rapporte la licorne au Roi.
Le roi est tellement content d’avoir une licorne rayée dans son zoo qu’il couvre le héros d’or et de bijoux. « J’ai une autre mission pour toi, dit le roi. Dans la forêt de l’est, un énorme sanglier aux cheveux bleus ravage les champs et charge les chevaliers qui vont cueillir des champignons. Je veux que tu le captures pour le mettre dans mon zoo. Si tu réussis, tu auras encore plus d’or et de bijoux.
-J’ai déjà de l’or et des bijoux pleins mes poches, et elles sont très grandes. Moi, je veux épouser une princesse. » Le roi hésite un peu, la princesse a aussi mauvais caractère que la licorne rayée. S’il la marie sans la prévenir, elle va encore se fâcher. Mais devant la détermination du héros, il cède.
Monsieur Jean entre dans le bois de l’est. Dès que le sanglier aperçoit le héros, il se précipite sur lui, en écumant et en montrant ses défenses aiguës pour l’effrayer. Mais il en faut plus pour effrayer un héros. Il gonfle son ventre, montre sa ceinture. Le sanglier ralentit sa charge, quelques secondes à peine, le temps d’une hésitation, puis accélère à nouveau. C’est juste le temps qu’il faut au couturier. Il fouille dans les grandes poches de son short, et hop, il sort une cheminée en acier. Il rentre par l’avant et ressort rapidement par le haut. Le sanglier aux cheveux bleus essaye de le suivre, mais il est trop gros ! Il reste coincé. Il se débat quelques secondes, mais impossible de sortir, il abandonne. Monsieur Jean le met à l’arrière de son camion et le ramène au roi. Celui-ci est tellement content qu’il organise le mariage avec la princesse le soir même.
Tout le monde est content sauf la princesse ! « Je ne veux pas épouser un héros, je n’aime pas les héros. Moi, j’aime rester à la maison et lire des magazines de mode. Ce que je préfère, ce sont les robes avec de grandes poches. Ah, si seulement je pouvais épouser un couturier. » Comme la princesse a mauvais caractère, comme une licorne rayée, elle décide de faire assassiner son mari. Elle contacte une bande de brigands très très méchants et leur offre une belle somme d’argent.
« Venez cette nuit dans le château, la porte de notre chambre sera ouverte, et assassinez mon époux. »
Le soir, quand Monsieur Jean rejoint sa femme, il se sent un peu coupable : « J’aurais peut-être dû lui demander son avis avant de l’épouser », pense-t-il, et il décide de lui dire la vérité.
« Ma princesse, avant d’être un héros, je suis surtout un couturier. » La princesse est surprise et ils discutent pendant des heures. Comme ils aiment tous les deux les grandes poches, ils tombent amoureux. La princesse lui dit alors la vérité sur la tentative d’assassinat.
« Ne t’inquiète pas, ma princesse, dit le couturier, après tout, je suis aussi un héros. » Quelques minutes plus tard, il entend du bruit derrière la porte de la chambre : ce sont les brigands. Il prend sa plus grosse voix et dit d’un ton assuré :
« J’en ai abattu sept d’un coup, j’ai fait fuir des géants, chassé une licorne rayée avec un mauvais caractère, pris un sanglier aux cheveux bleus. « Ai-je donc peur des gens qui sont blottis à ma porte ? » En entendant ces mots, les brigands sont pris d’une peur panique et ils s’enfuient le plus vite possible en levant les genoux bien haut, et depuis, jamais personne n’ose plus se risquer contre lui.