Dans le village de Brumeval, près du marais sans fond et d’une petite forêt, vit une voleuse. Elle vole pour manger, pour boire, pour s’habiller, pour devenir riche, et surtout pour s’amuser.
« Qu’est-ce que je peux voler aujourd’hui ? » pense-t-elle. « Les livres d’un étudiant distrait ? Le dentier d’un vieux monsieur ? Le portefeuille du marchand ? Non, non, c’est trop facile. Il me faut un nouveau défi. » La voleuse a une idée !
« Je vais voler le chapeau de la sorcière ! C’est le plus grand défi pour une grande voleuse ! Tout le monde a peur de la sorcière. Je vais marquer l’histoire des bandits. »
La maison de la sorcière se trouve à la limite du village et de la petite forêt. C’est une petite maison presque ordinaire, avec un beau jardin, des fenêtres, une porte, et même une cheminée très large pour s’envoler avec son balai magique. Comme la sorcière déteste les voleurs, elle a fait construire un grand mur tout autour de sa maison. Sur ce mur, des cure-dents très pointus empêchent quiconque d’y entrer. Et comme on n’est jamais trop prudent, dans le jardin et près des fenêtres, des caméras-corbeaux surveillent les alentours, et un gros chat de garde très agressif est prêt à bondir sur les intrus. Bien sûr, le plus grand danger reste la sorcière elle-même, qui peut vous transformer en macaron. La maison est tellement protégée qu’aucun voleur n’a jamais essayé d’y entrer. Mais la voleuse est intrépide et déterminée !
Pendant deux jours, la voleuse surveille la maison. Elle se déguise en passant, tantôt en enfant, tantôt en arbre, et même en lampadaire.
« La sorcière quitte sa maison tous les soirs de vingt-trois heures à vingt-trois heures trente pour faire un tour en balai magique dans la petite forêt. Comme elle est prudente, elle laisse son chapeau dans la maison pour mettre son casque de sécurité. C’est à ce moment-là que je vais entrer ! Hahahahaha. »
Satisfaite de son plan, la voleuse va faire un tour en ville pour se préparer pour son crime. Elle passe à « La Main Leste », le magasin des voleurs, pour acheter du matériel. Le magasin est lourdement gardé, avec des portiques de détection et des gardes armés, parce que le marchand ne fait pas confiance à ses clients.
« Alors, pour rentrer chez la sorcière, il me faut : une corde très solide avec un grappin pour passer au-dessus du mur, une épaisse couverture pour me protéger des cure-dents, et une grande boîte de harengs qui sentent très fort pour le gros chat de garde. Hum… Ah oui ! Un masque de voleuse très mignon pour qu’on ne me reconnaisse pas sur les caméras. »
Le lendemain soir, la voleuse attend que la sorcière quitte la maison. À vingt-trois heures précises, la sorcière s’envole sur son balai en passant par la cheminée, son casque bien serré.
« C’est le moment ! » pense la voleuse. Elle s’approche rapidement du mur sans faire de bruit et lance la corde avec le grappin. Elle grimpe jusqu’en haut du mur, en soufflant un peu parce que ce n’est pas facile. Une fois en haut, elle pose la couverture bien épaisse sur les cure-dents très pointus. Elle passe par-dessus la couverture, mais à peine a-t-elle posé le pied dans le jardin que les deux gros yeux jaunes du chat de garde se posent sur elle. Aussitôt, il se précipite pour la griffer. La voleuse saisit dans son sac la boîte de harengs qui sentent très fort et la lui lance. Le chat s’arrête. Il hésite un peu : la sorcière va le gronder s’il ne griffe pas cette voleuse, mais, d’un autre côté, ces harengs sentent si mauvais qu’il ne peut pas s’empêcher d’aller les manger.
Pendant qu’il mange, la voleuse fait des roulades jusqu’à la porte d’entrée, prenant des poses amusantes pour les caméras-corbeaux.
« Pick Pack Pouck. » Elle crochette la porte ! Et hop, elle entre dans la maison.
« Où est ce chapeau ? » La voleuse passe d’une pièce à l’autre dans la maison. Dans l’entrée, il n’y a que des chaussures noires bien cirées, mais pas de chapeau ! Dans la cuisine, tout est bien rangé, mais pas de chapeau. Dans le salon, il y a un beau canapé et des crânes sur les étagères, mais les crânes non plus n’ont pas de chapeau ! Finalement, elle se dirige vers la chambre et ouvre la porte de l’armoire.
« Il est là ! C’est le chapeau ! » dit-elle à voix haute. Elle pense qu’elle est toute seule dans la maison. Malheureusement pour elle, sa voix a réveillé l’oreiller parlant de la sorcière, celui qui siffle quand elle commence à ronfler. Aussitôt, l’oreiller roule sur le côté et appuie sur le bipeur que la sorcière lui a donné. L’alerte est donnée ! Mais la voleuse n’en sait rien. Elle pense qu’il lui reste du temps avant que la sorcière revienne, et elle prend des selfies dans le salon avec son masque très mignon
« Badaboum ! » La sorcière est de retour, et elle n’est pas contente. La voleuse est terrifiée et n’ose pas bouger. La sorcière prend une grosse voix surnaturelle :
« Voleuse ! Mon chapeau ! Je hais les voleuses ! Et je hais encore plus les voleuses qui font des selfies avec MON chapeau dans MON salon !
– Ma… madame. Je suis désolée… je…
– Je vais te transformer en macaron, comme mon ancien mari !
– Non, madame la sorcière, je vous en prie, je peux faire ce que vous voulez, vous donner ce que vous voulez, même mon masque très mignon ! Ou alors… est-ce qu’il y a quelque chose que vous voulez voler ? »
La sorcière réfléchit, elle baisse sa baguette magique, retire son casque et remet son chapeau. Puis elle se met à renifler la voleuse : ses cheveux, son ventre, et même sous ses bras. Elle reprend la parole :
« Voler, tu dis. Hum… j’accepte de te laisser partir à une condition ! Tu attends un enfant. Quand il naîtra, tu devras me le donner. Je n’ai pas pu avoir d’enfant, puisque j’ai mangé mon mari. Je serai sa mère. »
La voleuse accepte bien volontiers. Les voleuses n’ont pas besoin d’enfants, et elle ne veut pas être transformée en macaron.
Quelques mois plus tard, quand la voleuse accouche, la sorcière arrive aussitôt, donne à l’enfant le nom de Raiponce et l’emporte avec elle. Elle la traite comme sa fille et lui apprend la magie ainsi que toutes les consignes de sécurité importantes pour éviter les risques. Raiponce est une fillette adorable, très belle, et elle déteste les coiffeurs.
« Raiponce, ma fille, tu es la chose la plus importante à mes yeux ! Malheureusement, le monde est plein de voleurs. Je déteste les voleurs ! Alors je veux être sûre que tu es en sécurité », lui dit la sorcière lorsqu’elle a ses douze ans. Et elle emmène Raiponce dans une tour, sans escalier ni porte, au milieu de la petite forêt. Cette fois-ci, elle a même jeté un sort contre les grappins. La seule façon de rentrer dans la chambre de la petite fille est de grimper avec ses longs cheveux. Quand la sorcière vient la voir, elle lui dit :
« Raiponce, Raiponce ! Descends-moi tes cheveux ! »
La sorcière et Raiponce vivent heureuses pendant des années, mais avec le temps, la jeune femme commence à s’ennuyer. Elle se demande ce qu’il y a en dehors de la tour, ce qu’il y a en dehors de la forêt, et quand la sorcière n’est pas là, elle n’a que l’oreiller magique à qui parler.
« Oreiller, qu’est-ce qu’il y a de l’autre côté de la forêt ?
— Beaucoup de gens qui ronflent, et de grands oiseaux avec des plumes très douces. Ce sont ces plumes qu’on utilise pour faire des oreillers de qualité. Bien sûr, je suis le plus moelleux, et je suis déjà avec toi. »
Un beau jour, un villageois qui ne sort d’habitude jamais de chez lui se promène dans la forêt.
« Je ne veux pas me promener dans la forêt, je veux jouer aux jeux vidéo, lire des livres rigolos, jouer avec mon téléphone et manger des pizzas surgelées, » se plaint-il. Ses parents l’ont forcé à sortir de chez lui pour prendre l’air, et voilà qu’il arrive par hasard devant la tour de Raiponce. Il se cache dans un bosquet quand il entend la sorcière arriver.
« Raiponce, Raiponce ! Descends-moi tes cheveux ! » La sorcière monte dans la chambre de sa fille. Le villageois aperçoit Raiponce par la fenêtre. C’est le coup de foudre !
« Qu’elle est belle ! Plus intrigante que les jeux vidéo, plus captivante que des livres rigolos, plus surprenante qu’une conversation au téléphone, plus ravissante qu’une pizza surgelée ! » Il attend toute la journée que la sorcière parte et, quand il est sûr d’être seul, il s’approche de la tour.
« Raiponce, Raiponce ! Descends-moi tes cheveux ! » Raiponce trouve que la sorcière a une voix bizarre, mais il fait froid dehors, et elle a peut-être oublié quelque chose dans la chambre. Alors, sans trop réfléchir, elle lance ses cheveux.
« La sorcière est plus lourde que d’habitude, s’étonne la jeune fille. J’espère qu’elle n’a pas mangé trop de macarons. »
Mais quand le villageois arrive à la fenêtre, surprise ! Ce n’est pas la sorcière ! Ce n’est pas non plus un macaron ! C’est un homme qui ronfle !
Raiponce est effrayée, et elle essaie de se rappeler un sort que la sorcière lui a appris, quelque chose de terrifiant. Mais avant qu’elle n’ait le temps, le villageois la rassure.
« Mademoiselle Raiponce, je vous en prie, n’ayez pas peur. Je suis seulement un villageois qui n’aime pas sortir de chez lui. Et quand je vous ai vue, si belle dans votre tour, avec vos cheveux si longs, je suis tombé amoureux. »
Raiponce est un peu flattée et décide de profiter de l’occasion pour en apprendre davantage sur le monde extérieur. Ils discutent toute la nuit et tombent amoureux. Le temps passe vite, et le soleil commence à se lever.
« C’est déjà le matin ! Il faut que tu rentres chez toi avant que ma mère arrive. Si elle te voit, elle va croire que tu es un voleur et te transformer en macaron.
— Tu as raison, je vais rentrer. »
Mais au moment où le villageois s’approche de la fenêtre, une barrière magique l’empêche de passer.
« Zéhéhéhéhé, » ricane l’oreiller qui parle en tenant son bipeur.
« Qu’est-ce que j’entends ? s’exclame la sorcière. Raiponce ! Tu fais rentrer un voleur dans ta chambre ! Tu me trompes ! » Raiponce et le villageois ont beau supplier et tenter d’expliquer la situation, rien n’y fait. La sorcière est furieuse et se sent trahie. Folle de rage, elle transforme le villageois en gros macaron qui rebondit sur son ventre et emmène Raiponce chez le coiffeur.
Maintenant, plus personne ne peut entrer dans la tour, sauf la sorcière, bien sûr, et son balai volant. Les jours qui suivent, Raiponce pleure et se jette aux pieds de sa mère. Elle la supplie de retransformer le macaron en villageois. Avec le temps, la sorcière s’adoucit. Elle se rappelle de sa jeunesse, lorsqu’elle était moins prudente. Elle a même fait du balai sans casque une fois.
« Raiponce, puisque c’est ce que tu veux, très bien, je vais t’aider, mais à deux conditions.
— Bien sûr, maman !
— C’est toi qui vas apprendre le sort pour transformer les macarons en villageois, si, bien sûr, tu ne le manges pas avant. Et enfin, tu dois me promettre de ne pas m’oublier et de toujours venir prendre soin de moi. »
Raiponce accepte ces conditions sans hésiter et, pendant les semaines qui suivent, elle étudie sans relâche auprès de sa mère. Elle a parfois envie de manger le macaron, mais elle tient bon. Finalement, elle devient une assez bonne sorcière, et sa mère, fière d’elle, lui laisse lancer le sort.
« Macaracadabra ! » Et hop, le macaron redevient villageois. Avec la bénédiction de la sorcière, il prend Raiponce dans ses bras et l’emmène manger une pizza.
Le couple décide d’habiter dans la tour, et ils construisent des escaliers, parce que c’est quand même plus pratique. Raiponce tient sa promesse et passe beaucoup de temps avec sa mère. Et l’oreiller qui parle a un bipeur tout neuf pour surveiller les voleurs.