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Le médecin et la Mort

Dans le village de Peu, pas très loin de la grande ville, il y a un homme pauvre qui travaille beaucoup. Il travaille jour et nuit, même en prenant son petit déjeuner, en prenant sa douche, et dans son lit pendant qu’il dort. Il fait de son mieux mais malgré ses efforts, il n’arrive pas à gagner de l’argent. Quand il plante des légumes, une tempête arrive. Quand il ouvre un magasin, il y a un incendie. Quand il trouve un emploi, l’entreprise fait faillite.

Les gens du village l’évitent. « Il est maudit ! » pensent certains. « Il ne fait pas suffisamment d’efforts, » disent les bien-nés qui en font bien moins que lui. « Quel pauvre homme, » répètent ceux qui sont bien contents de ne pas être comme lui.

Le pauvre homme est très fatigué mais il continue à travailler. « J’ai douze enfants, quoi qu’il arrive, je dois gagner assez d’argent pour leur payer de la glace au chocolat. »

Un dimanche, il rentre à la maison en avance. Son nouveau magasin vient de brûler.

« Chéri, tu es revenu, » l’accueille sa femme. « Est-ce que ton magasin a encore brûlé ? » Le pauvre homme a les manches de sa chemise toutes noires.

« J’attends notre treizième enfant. »


Le medecin et la mort pere bonjour tristsan

Le pauvre homme et sa femme ont une longue discussion. Ils ne peuvent pas nourrir un enfant de plus. Il n’y a pas assez de glace au chocolat. Ils prennent une décision difficile. « Puisque c’est comme ça, le jour de sa naissance, je vais aller dans la grande ville et trouver une bonne famille pour le bébé. »

Le jour de la naissance arrive vite, et comme prévu, le pauvre homme se dirige vers la grande ville le cœur en colère et le visage triste. « Reviens vite, » dit sa femme. « On veut de la glace au chocolat ! » disent ses douze enfants.


Dieu bonjour tristan

Le pauvre homme a posté une annonce sur internet quelques jours avant la naissance, et il a déjà filtré les profils intéressants.

« Il y en a trois qui feront de bons parents, pense-t-il. Ils ont une bonne situation et de belles photos de profil. » Il va les rencontrer au restaurant.

Le premier n’est autre que Dieu lui-même. Il a vu les souffrances de l’homme et il est au courant de ses efforts.

« Brave homme, j’ai pitié de toi ; je vais m’occuper de ton fils et le rendre heureux durant sa vie terrestre. » Le pauvre homme hésite.

« Qui es-tu vraiment ?

—Je suis Dieu. » Le pauvre homme a toujours le cœur en colère.

« Je refuse que tu t’approches de mon fils ! Toute ma vie j’ai cru en toi, toute ma vie je me suis trompé sur toi, car tu donnes aux riches et tu laisses les pauvres mourir de faim. » Et il part sans payer l’addition.


Le diable bonjour tristan

Le deuxième attend le pauvre homme au restaurant de grillades. « Si tu me donnes ton fils, je lui donnerai de l’or en abondance et tous les plaisirs de la terre. Il pourra même manger de la glace au chocolat à tous les repas sans grossir. » Le pauvre homme hésite.

« Qui es-tu vraiment ?

— Je suis le Diable.

— Alors, je ne peux pas te laisser mon fils. Je suis peut-être pauvre, mais je ne suis pas idiot ! Tu trompes les hommes et tu les conduis à la damnation. » Et il part sans payer l’addition.


La troisième est une belle femme, bien qu’elle ait une beauté un peu froide. Elle attend le pauvre homme au restaurant végétarien.

« Je serai une bonne mère pour ton fils. S’il m’écoute, il deviendra riche. Tant qu’il sera avec moi, il ne manquera de rien. » Le pauvre homme hésite.

« Qui es-tu vraiment ?

— Je suis la Mort.

— C’est parfait ! Sans faire de différence, tu prends le riche comme le pauvre. Tu es la nouvelle mère de mon fils. » Et il part sans payer l’addition.


La Mort est une excellente mère et le petit ne manque de rien ; à la maison, il y a même de la glace au chocolat. L’enfant grandit rapidement, et la Mort lui apprend tout ce qu’elle sait, et elle sait beaucoup de choses sur les maladies. Alors, le petit décide de devenir médecin.

« Puisque tu vas être médecin, dit la Mort, travaillons ensemble, mère et fils ! Quand tu as un patient, appelle-moi ; si j’apparais à côté de sa tête, tu peux le guérir ; si j’apparais à côté de ses pieds, il est pour moi. Dis à la famille que son heure est venue. »

Le médecin accepte et dans les années qui suivent, il devient riche et célèbre. Non seulement c’est un excellent médecin qui connaît toutes les maladies, même les plus rares (ses préférées), mais en plus, il peut dire d’un seul coup d’œil si le patient va guérir ou non.


Le roi bonjour tristan

Un jour, le roi tombe malade. On appelle le médecin et on lui demande si la guérison est possible. Comme d’habitude, il appelle : « Maman, maman, un patient, c’est le roi, quelle chance pour moi ! Je vais devenir encore plus riche et encore plus célèbre ! »

Mais la Mort apparaît aux pieds du roi. Le médecin est furieux. Il prend le roi et le retourne : la tête à la place des pieds, les pieds à la place de la tête. De telle sorte que la Mort est maintenant à côté de la tête. Puis, il guérit le roi.

Le médecin reçoit des éloges par milliers, des kilos d’or et de trésors, et de la glace au chocolat. Quand il rentre à la maison, la Mort l’attend. Elle est furieuse : « Tu m’as trompé aujourd’hui, tu n’as pas respecté notre accord. Je te pardonne cette fois parce que tu es mon fils et je t’aime. Mais ne refais plus jamais ça ! »

Le médecin a un peu honte de lui, mais il se rassure. Après tout, n’est-ce pas le travail d’un médecin de tromper la Mort ?


princesse bonjour tristan

Deux années passent et la renommée du « sauveur de rois » ne fait que croître. La Mort est heureuse du succès de son fils, et son fils aussi est heureux de son succès.

« La princesse est malade, la princesse est malade. »

Le roi fait venir le médecin. « Médecin, ma fille unique la princesse est malade, je ne comprends pas pourquoi ; elle reste toujours dans sa chambre pour éviter les microbes et ne mange que de la glace au chocolat. Si tu peux la sauver, je te la donne comme épouse, et à ma mort, tu deviendras le roi. »

Le médecin monte dans la chambre de la princesse et appelle la Mort. « Maman, maman. » Elle apparaît aux pieds de la princesse. « Ce n’est pas possible maman, je vais devenir roi, roi ! » Mais la Mort ne bouge pas. Le médecin hésite un peu ; il veut devenir roi. Et puis, n’est-ce pas le travail d’un médecin de tromper la Mort ? Il retourne la princesse : la tête à la place des pieds, les pieds à la place de la tête. Puis il la guérit.


La Mort est triste plus que furieuse, elle emmène son enfant à la maison, puis plus loin, dans son jardin secret. Il y voit, à l’infini, des milliers et des milliers de bougies. À chaque instant, il s’en éteint et s’en rallume, si bien que les petites flammes semblent bondir de-ci de-là, en un perpétuel mouvement.

« Tu vois, dit la Mort, ce sont les bougies de la vie humaine. Quand une bougie se consume totalement, la flamme s’éteint et je vais prendre la vie.

— Où est la mienne ? demande le médecin.

— Ici. » Elle montre une petite bougie avec cinq ou six années de vie.

« Ce n’est pas possible maman, je suis encore jeune, je veux profiter de la vie. Prends la petite bougie et utilise la flamme pour en allumer une grande.

— Après tout, tu es mon fils. »

La Mort prend la petite bougie et une grande bougie toute neuve et elle transfère la flamme de la petite à la grande. Puis, au moment de poser la bougie, elle la retourne, le bout en haut et la tête en bas. La petite flamme s’étouffe et disparaît. Le médecin tombe, son corps devient froid comme de la glace au chocolat. Dans son dernier souffle, il appelle sa mère :

« Maman…

— Nul ne trompe la Mort. »