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Le joueur de flûte Hamelin

Quelque part en Europe, coincé entre des montagnes et une profonde rivière, il y a un petit village entièrement peuplé de canards. Ils occupent toutes les professions : des canards policiers, des canards boulangers, des canards employés de bureau, et des canards professeurs. Ils sont fiers de leur jolie ville. Un peu trop fiers même : ce sont des canards élégants et un peu arrogants. Tellement fiers qu’avec le temps, ils ont commencé à traiter les touristes avec de plus en plus de mépris.

« Nous ne voulons que des touristes très riches ! Coin, dit le maire du village.

— Pas besoin des pauvres, coin coin, dit son conseiller. »

Et lorsqu’une petite famille de rats passe pour visiter leur jolie ville, les habitants refusent de les servir au restaurant.

« Notre ville est trop belle pour des rats ! Et notre cuisine aussi, disent les habitants.

— Vous le regretterez ! Nous voulions visiter votre jolie ville, mais maintenant nous voulons nous venger ! » maudissent les rats en rentrant à Ratopolis.


Duck city

Quelques jours plus tard, des milliers de rats arrivent à Duck City. Ils sont partout : dans les maisons, dans les magasins de chaussures, dans la boulangerie ! Ils rongent les maisons, boivent l’eau de la mare et commencent même à manger les croûtons. Les habitants, qui adorent les croûtons, sortent dans la rue.

« C’est une catastrophe ! dit l’un.

— Ils ont mangé mes croûtons, ils ont mangé mes croûtons ! dit l’autre.

— Cela ne peut plus durer ! s’exclament les femmes du village.

— Mais que fait le maire ? crient-ils tous en chœur. »

Et la foule en colère se dirige vers la mairie. Le maire, un canard de la haute société, est en train de cacher quelques boîtes de croûtons, des tonneaux de liqueurs et un peu d’argent des impôts dans sa voiture quand il voit ses concitoyens arriver. Il décide de les accueillir dans la mairie.


« Chères canes, chers canards, nous sommes réunis ici pour parler de l’invasion de rats qui menace notre jolie Duck City. Y a-t-il ici des spécialistes des pièges à rats ?

— Nous essayons de les chasser à coups de balai, mais ça ne marche pas. Il faut quelque chose de plus efficace. »

Un grand silence se fait dans la salle, personne ne semble avoir de solution. Tout le monde s’inquiète pour les croûtons. Soudain, un canard s’avance au milieu de la foule. Il porte un bonnet et une flûte.

« Qui est ce canard ? Je ne le reconnais pas. Il n’est pas du coin ! Coin coin, » pensent les habitants du village.

« Je suis Hamelin, le joueur de flûte. Je voyage de ville en ville pour débarrasser les gens des problèmes de vermine. Je connais des mélodies qui vous délivreront des rats.

— Quelle est ton expérience ?

— C’est moi qui ai délivré Vache Ville de l’invasion de mouches géantes l’année dernière. C’est aussi moi qui ai aidé Ourson City contre l’attaque des abeilles à deux dards après un différend commercial sur le prix du miel.

— Hum… Qu’est-ce que tu veux en échange, Hamelin ? » dit le maire, un peu perplexe.

— Pour mes services, je facture mille pièces d’or ! »

Le maire hésite un peu : mille pièces d’or, c’est une belle somme d’argent. Mais Duck City est riche, et c’est une bonne occasion pour lever un nouvel impôt. Il regarde les canards présents dans la salle. En voyant leurs mines désespérées, il n’hésite plus.

— Mille pièces d’or ! C’est d’accord, si le problème des rats est résolu. »


le joueur de flute

Aussitôt, Hamelin sort sa flûte, ses yeux se mettent à briller, et il commence à jouer une mélodie envoûtante, tellement envoûtante que quelques canes se mettent à danser. Quand il sort de la mairie, les rats accourent de partout. Ils se mettent à suivre le joueur de flûte, l’un derrière l’autre. Les canards observent cette scène, stupéfaits. Hamelin se dirige, en marchant doucement, vers la rivière ; quelques notes de plus et tous les rats se jettent dans la rivière pour s’y noyer. Sauf ceux qui savent nager, bien sûr. Ceux-là rentrent à Ratopolis et vont prévenir tout le monde de ne surtout plus s’aventurer près de Duck City et du terrifiant joueur de flûte.

Les canards sautent de joie et commencent à faire la fête. Ils préparent un grand banquet avec des jus de fruits, de la liqueur et des croûtons. Le maire est si content qu’il annonce même qu’il ne montera pas les impôts avant les élections ! Tout semble aller pour le mieux.


Pendant le banquet, Hamelin s’approche du maire.

« Les rats sont partis, ils ne vont pas revenir. Pouvez-vous me payer mes mille pièces d’or maintenant ? »

— Mille pièces d’or ! Pour un air de flûte ? Mais c’est beaucoup trop, voyons ! Et d’ailleurs, avez-vous fait le conservatoire ? Où sont vos diplômes ? Et votre licence ? Avons-nous signé un contrat ? Allons, je vais vous donner deux pièces d’or pour vos services et vous pouvez rester manger avec nous.

Hamelin s’énerve en entendant ces mots.

« Cessez ce jeu ! Je n’ai pas de temps à perdre. Tout travail mérite salaire et j’ai besoin d’un bonnet neuf. Payez-moi maintenant ! »

Le maire, blessé dans son orgueil, réplique :

« Comment ça, payer ! Et puis quoi encore ? Qui êtes-vous pour me donner des ordres ? Un vulgaire canard avec un bonnet qui ose me parler sur ce ton, à moi, qui suis de la haute société ! Coin ! Sortez avant que je vous donne un coup de bec ! »


Hamelin quitte la mairie et sort sa flûte avant de la porter à son bec. Ses yeux se mettent à briller d’une lueur mystique. Il commence à jouer une sombre mélodie, un rythme lent puis rapide, une petite musique profonde et douce. Les habitants de Duck City sont trop occupés à se goinfrer au banquet pour s’en rendre compte. Mais petit à petit, ce sont des dizaines de petits pieds palmés qui commencent à suivre le joueur de flûte. Bientôt, tous les enfants sont derrière Hamelin, même les œufs des petits cannetons se mettent à rouler en rythme. Quand les habitants de Duck City se rendent compte de ce qui vient de se passer, il est déjà trop tard : Hamelin et les enfants ont disparu.

le joueur de flute

Les jours, les semaines, les années qui suivent, le maire et les habitants de Duck City ont tout essayé pour retrouver les enfants. Ils ont cherché dans la rivière, dans les montagnes, partout : à Vacheville, à Ourson City, ils ont même supplié Ratopolis de les aider. Mais la colère du joueur de flûte est implacable, ils ne les ont jamais revus.

Pour se souvenir de cet événement et se rappeler d’être moins arrogants, les canards ont réuni mille pièces d’or ; même le maire a contribué (avec l’argent des impôts). Avec cet argent, ils ont construit une grande statue en l’honneur de leurs enfants, avec, sur le socle, une petite phrase :

« Ne méprisez jamais ceux qui vous tendent la main, surtout s’ils jouent de la flûte. »